Des cités d’or à l’Eldorado : voyage à travers les grands mythes des Amériques

L’or ne laisse personne indifférent. Depuis des siècles, ce métal précieux n’a cessé d’attiser les passions les plus fiévreuses et de cristalliser les rêves de grandeur les plus fous. Nul autre matériau ne possède un pouvoir d’attraction aussi universel et intemporel que l’or. Pour vous en convaincre, nous allons vous conter l’histoire de deux mythes qui ont marqué la conquête des Amériques : les cités d’or et l’Eldorado.

Les cités d’or : la grandeur perdue du Vieux Continent

Un Nouveau Monde entre richesse et conquête

Nous sommes en 1530. Fray Marcos de Niza, un moine franciscain, rêve de traverser l’Atlantique pour découvrir les mystères de l’Amérique du Sud. Il quitte sa Nice natale puis voyage jusqu’en Espagne où il rejoint l’équipage de Francisco Pizarro, un conquistador espagnol. Avec ce dernier, Marcos de Niza participe à la conquête du Pérou ainsi qu’à l’annexion de l’Empire inca par la Couronne espagnole.

Au Pérou, le franciscain et son acolyte conquistador sont subjugués par les quantités d’or amassées par les Incas. L’équipage de Pizarro pille les palais et les temples de Cuzco afin de ramener à l’empereur Charles Quint des coupes en or, des bijoux, des pièces et des boucliers en or massif.

La saisie des objets en or constitue, pour les Européens qui conquièrent l’Amérique du Sud, un moyen d’asseoir leur autorité sur les autochtones. Il s’agit d’un puissant outil de domination, laquelle est ensuite parachevée par l’annexion officielle du territoire.

Le mystérieux récit des évêques en fuite

Pour Marcos de Niza, le voyage de 1530 signe le début d’une carrière d’explorateur qui se prolongera jusqu’à sa mort à Mexico. Mais c’est aussi le commencement de son obsession pour l’or, qui ne le quittera plus jamais. Durant sa carrière d’aventurier, il va même se prendre de passion pour un mythe déjà répandu en Espagne et au Portugal à son époque : celui des cités d’or.

Depuis le 12ème siècle, une rumeur circule dans les pays du pourtour méditerranéen : lors de la conquête de Mérida par les Maures, les sept évêques de Mérida auraient quitté l’Espagne avant de fonder les cités de Quivira et Cibola. Ces villes auraient ensuite prospéré grâce aux reliques d’or sauvées par les religieux en fuite et grâce à la découverte de minerais précieux ! Seul problème : nul ne sait où se trouvent Quivira et Cibola.

Un rêve inaccessible

Après avoir entendu parler de ces mystérieuses cités d’or, le Vice-Roi d’Espagne Antonio de Mendoza accepte de financer, en 1538 et 1540, deux missions pour trouver ces villes. Il embauche Marcos de Niza comme chef d’équipage (pour le premier voyage) puis comme guide (pour le deuxième).

Les deux expéditions permettent au moine franciscain d’explorer le nord du Mexique et de rencontrer les Indiens Zunis de l’Arizona. Toutefois, les cités d’or demeurent introuvables et l’équipage s’épuise à force de suivre des fausses pistes. Arrivé au bout des ressources allouées par le Vice-Roi, Fray de Niza est contraint d’abandonner son rêve. Durant les siècles qui suivent sa mort, de nombreux explorateurs restent persuadés que les cités d’or existent et qu’il leur est possible de les trouver.

Eldorado : la soif de conquête à son apogée

Une oasis d’or et d’abondance

Dans la culture populaire, l’Eldorado est plus célèbre que les cités d’or. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il fait miroiter aux explorateurs un trésor bien plus abondant. Le mythe de l’Eldorado (« le doré » en espagnol) s’inspire en effet de celui de Quivira et Cibola, mais il amplifie tous les éléments qui ont fait son succès.

Cette fois-ci, ce n’est pas d’une ou plusieurs villes dont il est question, mais d’une contrée toute entière. Quant au trésor de ce pays de Cocagne, il ne s’agit pas seulement de quelques reliques et d’un filon généreux : l’Eldorado serait traversé par des rivières d’or ! En somme, la quête de cet Eden représente pour les conquistadors un défi plus obsédant encore que celui des cités d’or.

Le Roi Soleil précolombien

Les origines du mythe de l’Eldorado sont diverses. Au carrefour des cultures et des continents, cette utopie trouve son origine à la fois dans les récits des voyages de Marco Polo en Asie (avec la découverte des pagodes aux toits d’or birmanes) et dans les coutumes des Indiens Chibcha.

Bien que moins riches que celles des civilisations aztèque ou inca, les coutumes des Chibchas exercent une fascination sur les Espagnols qui explorent la Colombie dans les années 1530. Ce peuple a pour habitude d’introniser chacun de ses nouveaux rois en le recouvrant de poussière d’or, afin qu’il scintille au soleil avant de se baigner dans un lac sacré.

L’Eldorado, un mythe utile

Au 16ème siècle, la cérémonie d’intronisation royale des Chibchas, qui est bien réelle, inspire une myriade de récits fantasques aux aventuriers sillonnant les Amériques. Ceux-ci, qui rêvent déjà de trouver les cités d’or des évêques de Mérida, sont friands de ce type de mythes. Le fantasme de l’Eldorado naît dans un contexte politique particulier, où certains conquistadors utilisent ces mirages d’abondance pour convaincre les souverains européens de financer leurs explorations.

Le bouche-à-oreille situe l’Eldorado quelque part entre l’Orénoque et l’Amazone, dans une jungle épaisse et regorgeant de dangers. Jusqu’au 18ème siècle, plusieurs expéditions sont organisées pour trouver ce pays de Cocagne. Sans succès.

L’or possède une puissance évocatrice dans une kyrielle de domaine, depuis la joaillerie jusqu’à la finance en passant par la géopolitique et même la religion ! Parfois simplement utilisé pour son caractère décoratif, ce métal précieux peut aussi bien être un signe extérieur de richesse, qu’une marque de puissance et même une référence au divin. Ce que les mythes des cités d’or et de l’Eldorado nous enseignent, c’est que l’or ne cessera jamais de symboliser non seulement la richesse et l’abondance, mais aussi (et surtout) la quête d’absolu.